Mes années Solex
- bonjour province -



Et c'est ainsi que le jeune banlieusard s'est retrouvé propulsé en province. Oh il était loin d'être malheureux : la maison familiale de la grand mère, une grande bâtisse qui n'était pas un modèle de confort avec ses murs noircis, ses petites fenêtres à barreaux et sa terre battue au sol, allait être transformée et remise aux goûts du confort de l'époque. Et puis n'était-on pas au bord de la mer, que l'on voyait là, à portée de main, à une encâblure depuis la maison ? Bien sûr nous n'avions qu'une petite épicerie de quartier pour dépanner, mais le bourg était à un quart d'heure à pied, avec tous ses commerces et son marché hebdomadaire : nous n'allions pas être malheureux là. Et l'été, une arrivée massive de 'baigneurs' transformait le bourg paisible en une ruche fourmillant de dix fois plus de monde. Il en arrivait de partout, par le car qui les amenait de la gare proche de trois bons quarts d'heure où les délivrait le train de Paris. Et là, pendant presque deux mois, le jeune coq allait pouvoir parader auprès d'une multitude de jeunes filles en fleur, leur faisant découvrir les moindres recoins des criques du bord de mer pour les changer des sept plages bondées, avant que tout ce joli monde reparte et laisse le bourg se rendormir pour dix mois de calme presque lugubre, à peine troublés de quelques vacances scolaires qui permettraient de voir les volets se rouvrir pour quelques jours à Noël ou à Pâques.
A cette époque, encore lycéen, j'allais découvrir la vie quotidienne de la province. Le bourg ni les villes proches ne me permettant de poursuivre normalement mes études, il s'est vite avéré que je devrais être pensionnaire dans un lycée technique de la capitale régionale, à plus de cent bornes de la maison. Mais pour s'y rendre, encore fallait-il se rendre à la gare de train la plus proche, à quarante kilomètres. Et hors des vacances d'été où un service de cars acheminait régulièrement les voyageurs descendants du train, dès l'automne revenu ce même service de cars était considérablement allégé au point de ne plus permettre les correspondances souhaitées.
Et c'est ainsi que, pour me permettre d'avoir une certaine autonomie de mouvements et de déplacements, mes parents me payèrent un vélosolex.
S'est posé le problème de la poursuite de ma scolarité. Il s'est vite avéré que je serais pensionnaire et ne rentrerais à la maison qu'en fins de semaines.
Encore fallait-il parcourir la trentaine de kilomètres (37 précisément) depuis la maison jusqu'à la gare la plus proche, pour rejoindre ensuite en train la capitale régionale et le lycée. Rapidement il fallait se rendre à l'évidence : la solution la plus souple et la moins onéreuse était l'acquisition d'un solex malgré les contraintes.
Et c'est ainsi que j'ai attrapé le virus au guidon d'un solex modèle 3300 qui devint le compagnon d'une bonne heure et quart de route par tous les temps, sous le soleil comme dans la tempête, le dimanche soir pour regagner le lycée, et autant la semaine suivante pour rentrer à la maison le samedi midi.
Il deviendra le compagnon de tous les instants et aussi l'ami des longues ballades le reste du temps pendant les vacances : mon solex devint mon plus fidèle ami.