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Pendant des années, mon dextrier noire identifié 3300 allait devenir mon plus fidèles serviteur et ami : il allait être de toutes mes sorties, m'emmènerait promener dans tous les plus jolis coins du canton et des autres environnants.
Il était fidèle et toujours partant : à la moindre sollicitation, dès que je montais dessus et le poussais sur deux mètres, il était parti pour ronronner sans jamais me faire faux-bond, ou si peu que ma mémoire ne sait s'en souvenir pour lui en tenir rigueur. Je dois avouer que je lui en était reconnaissant, et qu'il avait souvent droit au chiffon et même au pinceau qui retire les saletés jusque dans les moindres recoins.
Et pour garder mes secrets il était fort et toujours disponible aussi : il en a connu des rencontres fortuites et des petites amies sans jamais me trahir, ni auprès de la suivante, ni du côté de mes parents. Et pourtant, je lui en ai fais faire des kilomètres : à commencer par la commune qu'il a sillonné dans tous les sens, montant, descendant, freinant, accélérant, tournant, virant. Et puis les environs aussi il les a parcourus de la même manière sans jamais rechigner : le Val-André, Pléneuf, Les Sables d'Or, Plurien, Plévenon, Hénanbihen, Hénansal, St-Aaron, St-Cast, Le Guildo, Plancouët ... que sais-je encore ?
Et il avait fier allure avec ses deux sacoches, tant sur les grandes routes qu'au fond des chemins creux ou dans les dunes de bord de mer. Et régulièrement j'approchais une main fébrile pour vérifier qu'il n'avait pas trop chaud avant de continuer, et m'assurais qu'il n'avait pas soif non plus. Oh pour ça il n'était pas très exigeant : un petit coup de pompe à 4% comme on en trouvait un peu partout aux mélangeurs et il était reparti pour un tour.
Et de temps en temps, quand je lui trouvais une petite mine, un peu moins fringuant dans une côte ou en reprise à la sortie d'un virage, alors je l'envoyais en visite chez son médecin : le vélociste de la rue Foch qui n'avait pas son pareil pour lui redonner une santé de fer.
Alors j'observais bien le coup de main du docteur magicien, et j'ai noté dans un tas de recoins de ma petite caboche les recettes miracles du bonhomme qui me le rendait fringuant comme jamais. Les mêmes coups de patte que ceux qui me servent aujourd'hui encore à retaper des tas de ferraille meurtris par les ans et sans vie, pour en refaire de bons dextriers prêts à ravaler du bitûme comme dans leur prime jeunesse, quand ils sortaient des usines de Courbevoie ou de Pantin.

- Un fidèle dextrier -

Mes années Solex

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